À 27 ans, Himra s’impose comme l’un des rappeurs ivoiriens les plus en vue de sa génération. Avec sa drill percutante en nouchi (argot ivoirien) et son image de bad boy assumée, ce jeune prodige a su conquérir la rue et bousculer les codes du rap ivoirien.lemonde.fr
Les origines de Himra : Rahim à Cocody
Himra, de son vrai nom Bakayoko Abdul Rahim Souleymane, est né le 28 mai 1998 à Cocody, un quartier d’Abidjan en Côte d’Ivoire. Le pseudonyme “Himra” est directement inspiré de son prénom Rahim – il s’agit en effet des mêmes lettres réarrangées. Dès son adolescence, le jeune Rahim baigne dans la musique et se passionne pour le rap. Il écoute d’abord des artistes internationaux (britanniques, américains, français) et cite notamment le rappeur français La Fouine comme l’un de ceux qui l’ont poussé à prendre le micro. Cette ouverture musicale forgera sa personnalité artistique naissante.
Les débuts de carrière : du groupe SBS à la percée solo
Himra fait ses premiers pas sur la scène musicale au sein d’un groupe de rap baptisé SBS, formé avec des amis d’école. Avec SBS, il participe à des concours locaux (comme le Faya Flow, où son groupe termine 4ᵉ) et commence à se faire remarquer dans le milieu du hip-hop ivoirien. Après environ quatre années d’apprentissage et de rodage au sein de ce collectif, le jeune rappeur prend en 2019 la décision audacieuse de se lancer en carrière solo. Ce tournant “stratégique” marque le début de son envol individuel : Himra développe son propre univers musical, qu’il qualifie de Majin, et lance une tendance artistique appelée La Roserie, affirmant sa volonté de se démarquer avec un style neuf conscienxious.com.
Sa détermination porte vite ses fruits. En décembre 2020, Himra signe un contrat avec le prestigieux label Def Jam Recordings, intégrant ainsi l’écurie d’un géant de l’industrie musicale. Ce partenariat lui ouvre de nouvelles portes et consolide les bases d’une carrière prometteuse. Installé sur la scène ivoirienne, le natif de Cocody va dès lors redoubler d’efforts pour conquérir le public.

Projets musicaux marquants et ascension
Dès 2018, Himra publie son premier album Omega, suivi en 2019 d’un second opus intitulé Nfusa. Ces premiers projets posent les bases de son style, mêlant rap ivoire et influences trap. En 2021, il affirme son identité drill en sortant l’EP Ivoire Drill King, se positionnant déjà comme l’un des porte-drapeaux de la drill made in Côte d’Ivoire. Entre 2018 et 2024, l’artiste reste prolifique malgré les obstacles : il enchaîne six mixtapes en six ans, alterne entre productions sous label (Universal Music Africa) et autoproduction, et sort de nombreux singles lemonde.fr. Cette productivité soutenue, couplée à une présence continue sur de petites scènes locales, lui permet de bâtir patiemment une audience fidèle malgré un accueil initial mitigé. En effet, durant ces années, le style drill qu’il défendait était jugé trop brut pour percer dans un paysage musical ivoirien dominé par des sons plus dansants (comme la maïmouna, mélange de rap et de coupé-décalé). Pourtant, Himra persévère et garde le cap, convaincu du potentiel de sa musique.
L’année 2024 marque le véritable tournant de sa carrière. Himra sort son album Jeune & Riche – un projet phare qui va le propulser au sommet. Paru fin juillet 2024, Jeune & Riche connaît un succès foudroyant : en à peine quelques semaines, l’album accumule des millions de streams et enflamme même les réseaux sociaux comme TikTok. Plusieurs titres deviennent des hymnes dans les rues d’Abidjan, notamment “Banger”, “Yorobo Drill Acte 3” ou encore “Vêtements”, qui s’imposent comme la bande-son du quotidien dans la capitale économique ivoirienne. La qualité de la production et la cohérence du projet sont saluées par les critiques, faisant de Jeune & Riche un véritable phénomène.
Le succès commercial est au rendez-vous : en Côte d’Ivoire, l’album est certifié Disque d’Or seulement quelques mois après sa sortie, puis Disque de Platine en février 2025 lemonde.fr – une performance historique. Himra devient ainsi le premier artiste du rap ivoire à atteindre le platine dans son pays (seuls le duo zouglou Yodé & Siro avait obtenu cette distinction avant lui). Fort de cet exploit, l’opus sera même réédité en version Deluxe quelques mois plus tard, témoignant de l’engouement durable du public.
En 2025, Himra continue sur sa lancée avec de nouveaux projets. Il publie un EP/album intitulé Big Aka 4 Aka Kai, confirmant qu’il ne compte pas relâcher la cadence. Son ascension fulgurante en quelques années illustre bien sa devise : “Jeune et riche”, désormais plus qu’un titre d’album, est devenu le symbole de sa réussite et de la fierté d’une jeunesse ivoirienne qui se reconnaît en lui.
Collaborations importantes (Suspect 95 et autres)
Pour asseoir sa place dans le rap game, Himra a su s’entourer et collaborer avec d’autres figures majeures de la musique urbaine. Très tôt, il multiplie les collaborations stratégiques avec des rappeurs ivoiriens de renom tels que Suspect 95, Widgunz ou Mosty. Son duo avec Suspect 95 est particulièrement remarqué : les deux artistes partagent le micro sur des titres à succès comme Monalisa ou Gater Nanina, associant leurs styles complémentaires pour le plus grand plaisir des fans. La connexion avec Suspect 95 est d’autant plus significative que ce dernier, star confirmée du rap ivoirien, avait dès 2019 prédit la réussite de Himra – un véritable passage de flambeau symbolique dans le rap ivoire.
Une fois son univers bien établi en Côte d’Ivoire, Himra a également franchi les frontières. Il a travaillé avec des rappeurs français de la nouvelle génération, à l’image de Gazo, Le Juiice ou La Mano, élargissant ainsi sa portée à l’international. Ces featurings avec des artistes francophones reconnus lui ont permis de toucher un public plus large au-delà de son pays natal et de se frotter à d’autres styles. À chaque collaboration, Himra apporte sa touche “drill ivoirien” unique, tout en montrant sa polyvalence artistique.
Style musical et évolution artistique
Sur le plan musical, Himra s’est forgé une identité bien distincte. Grand amateur de sons trap et drill du sud des États-Unis – qu’il décrit comme « brutes, agressives et sombres » – il décide d’adapter ces sonorités à la sauce ivoirienne. Lorsqu’il découvre la drill, c’est une révélation : « Quand j’ai écouté la drill, ça a cliqué », confie-t-il, expliquant comment il a aussitôt entrepris de la façonner à sa manière pour la faire aimer au public ivoirien. Himra s’inspire en cela de la démarche du défunt chanteur DJ Arafat, qui avait su transformer des influences congolaises en un style coupé-décalé apprécié en Côte d’Ivoire.
Decouvez la biographie de DJ ARAFAT
Le rappeur adopte une approche qu’il qualifie lui-même de « nouchi hardcore ». Il rappe exclusivement en nouchi, l’argot populaire d’Abidjan, afin de rester au plus près de la rue et d’être compris par tous. Son credo : proposer une musique accessible, compréhensible du début à la fin « même si tu n’es pas allé à l’école », avec des punchlines percutantes et sans détours. Cette authenticité linguistique devient sa signature et crée une vraie connexion avec la jeunesse locale. Son rap se veut « comme un coup de poing » : puissant, énergique et sans concession, à l’image de ce qu’aurait pu être un DJ Arafat s’il avait fait du rap, selon les propres mots d’Himra.
Visuellement et scéniquement, Himra soigne aussi son personnage. Dreadlocks longues décolorées, muscles saillants, tatouages, vêtements de marque et bijoux voyants – il affiche une allure imposante. « Les Ivoiriens aiment être impressionnés… Ils veulent un super-héros », explique-t-il pour justifier cette image travaillée. Son signe de ralliement, les deux pouces levés et les index croisés en forme d’épées, participe également de son branding personnel. Cette maîtrise de l’esthétique va de pair avec son perfectionnisme en studio : Himra est décrit par les réalisateurs de clips comme Bouba Atkins comme un artiste très impliqué, qui supervise chaque détail de ses vidéos et sait exactement ce qu’il veut.
Thématiques abordées dans ses chansons
Les textes d’Himra puisent directement dans la réalité du ghetto abidjanais et les expériences de la jeunesse ivoirienne. Le rappeur “parle à la rue” et chante la galère, la hargne, mais aussi la quête de réussite et de reconnaissance. Ses morceaux dressent un portrait sans fard du quotidien difficile de nombreux jeunes : chômage, débrouillardise, violence du milieu urbain, mais aussi espoir d’une vie meilleure. Dans son titre Sans pression, par exemple, Himra lance : « On n’est pas chanceux, donc obligés de grouiller », en employant le terme nouchi grouiller pour décrire le fait de hustler dans de petits boulots pour s’en sortir. Ce genre de punchline résonne fortement car elle parle à tous ceux qui doivent lutter au jour le jour.
Himra aborde également des thèmes comme l’argent facile, la fierté d’avoir réussi malgré les obstacles, ou encore la loyauté envers son quartier et sa “street”. Son album Jeune & Riche en est l’illustration : derrière le titre accrocheur, le contenu rend hommage à « l’essence de la rue, ses défis, ses espoirs et sa résilience »conscienxious.com. Au fil des morceaux, il célèbre la ténacité de la jeunesse africaine contemporaine, tout en dénonçant en filigrane les injustices sociales qui la touchent. Cette combinaison de réalisme cru et de détermination fait la force de ses textes, sans pour autant verser dans le message moralisateur. Himra lui-même affirme ne pas chercher à faire de politique ou de grands discours en dehors de sa musique – il préfère laisser ses chansons parler d’elles-mêmes et galvaniser son public à leur manière.
Récompenses, distinctions et reconnaissance médiatique
Le succès de Himra ne s’est pas seulement mesuré en nombre de fans ou de vues sur YouTube, il a aussi été consacré par de nombreuses récompenses. En 2024, il remporte le Primud du Meilleur artiste Rap Ivoire, l’une des distinctions majeures de la musique urbaine en Côte d’Ivoire. La même année, lors des African Talent Awards 2024, il réalise un triplé historique en raflant le prix du Meilleur Album Francophone (pour Jeune & Riche), celui de Meilleur Artiste Francophone ainsi qu’un trophée honorifique (Black Trophy) saluant son impact. Himra est désormais cité parmi les artistes ivoiriens les plus influents de sa génération.
L’année 2025 confirme cette trajectoire ascendante sur la scène africaine. Il est sacré Révélation de l’année aux Trace Awards, et reçoit au Burkina Faso un Kundé d’or du meilleur artiste d’Afrique de l’Ouest. Ces distinctions régionales illustrent à quel point sa musique dépasse désormais les frontières ivoiriennes. D’ailleurs, le média international RFI le surnomme « le roi de la drill ivoire » et Le Monde le qualifie de “phénomène du rap ivoire” tant son influence est devenue grande
En parallèle, Himra connaît une forte exposition médiatique. Il est invité sur des plateformes prestigieuses : par exemple, l’émission “Légendes Urbaines” de France 24/RFI lui consacre un portrait où l’on revient sur son parcours semé d’embûches et ses multiples trophées (Primud, Kundé, Trace Awards) france24.com. Sur le terrain, sa popularité se manifeste par des foules massives à chacune de ses apparitions publiques. Ses séances de dédicaces tournent à l’émeute, comme en novembre 2024 dans la commune de Yopougon (Abidjan) où des milliers de jeunes fans enthousiastes se sont bousculés pour l’approcher. Himra est conscient de cette ferveur : il confie ne plus pouvoir se déplacer librement sans être pris d’assaut par les admirateurs, tant il est devenu une idole pour la jeunesse.
Artistiquement, il est désormais sollicité sur les plus grandes scènes. En 2025, il monte sur scène au Festival des musiques urbaines d’Anoumabo (FEMUA) à Abidjan, l’un des événements musicaux majeurs du pays. Mieux encore, Himra commence à exporter son show : il est programmé pour sa première scène européenne au festival Yard à Paris, partageant l’affiche du 5 juillet 2025 avec des pointures comme Gazo et Tiakola. Ces invitations témoignent de son statut de fer de lance du rap ivoirien sur la scène internationale.
Anecdotes et actualité récente
Malgré son ascension fulgurante, Himra n’oublie pas d’où il vient et garde la tête froide. Il entretient une rivalité amicale avec le rappeur Didi B, autre star du rap ivoire issue de la génération précédente. Ce duel symbolique entre “l’ancien” (Didi B, ex-membre de Kiff No Beat) et le “nouveau” (Himra et sa drill hardcore) alimente les débats parmi les fans, mais pousse surtout chaque artiste à se surpasser et à innover – une émulation positive pour le mouvement hip-hop ivoirien. Les deux rappeurs se lancent régulièrement des piques sur les réseaux et dans leurs morceaux, stimulant l’attention médiatique sans jamais franchir les limites du respect mutuel.
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Côté business, la cote de Himra a explosé. Une anecdote récente a fait le buzz : pour un concert prévu au stade BAE de Yopougon, il aurait réclamé un cachet de 35 millions de FCFA, suscitant débats et réactions enflammées sur les réseaux sociaux. Si ce chiffre a étonné, il reflète surtout la valeur qu’a prise l’artiste sur le marché en peu de temps, ainsi que ses ambitions élevées pour sa carrière.
Enfin, Himra reste focalisé sur l’avenir. Il confie travailler sur de nouveaux projets musicaux pour pérenniser son règne sur la drill ivoirienne. « Je veux être plus effrayant que Booba, Kaaris ou 50 Cent, et avoir une carrière plus puissante. Je veux être numéro un », affirme-t-il sans détour. Cependant, lucide, il déclare ne pas vouloir s’éterniser dans le rap au-delà d’un certain âge : « Je ne vieillirai pas dans le rap… À 40 ans, je ne ferai plus de musique », prophétise le jeune prodige. Qu’il décide ou non de raccrocher le micro d’ici là, Himra aura déjà marqué de son empreinte le rap ivoirien, en inspirant toute une nouvelle vague d’artistes et en redonnant à la street d’Abidjan une voix authentique au sommet des charts.
Himra est aujourd’hui bien plus qu’un rappeur ivoirien à la mode : il est le symbole d’une génération qui ose rêver grand. De ses débuts modestes à Cocody jusqu’aux scènes internationales, son parcours illustre la puissance du travail acharné et de la passion. Et au vu de son talent et de son éthique, nul doute que le nom d’Himra résonnera encore longtemps dans le paysage musical africain.
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